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Asile

L’Ours doit mettre les bouchées doubles

Les centres d’hébergement du canton sont pleins à craquer. Le gouvernement est toujours en quête de nouvelles places d’accueil pour les requérants

Fermé cet été, l’ancien hôpital Ziegler, à Berne, devrait prochainement être transformé en centre d’hébergement pour demandeurs d’asile. Archives-Keystone

Julien Baumann  Philippe Oudot

Rappel des faits  Cet été, le Conseil exécutif avait décidé d’imposer l’ouverture de centres de grande capacité dans des abris de protection civile de cinq communes du canton: Aarberg, Neuenegg, Oberhofen, Täuffelen et Wohlen. Mais face au tollé provoqué par cette décision, il avait fait machine arrière à mi-septembre. Dans la foulée, il avait chargé l’armée d’installer des tentes sur le site du centre de transit de Lyss-Kappelen afin d’offrir un hébergement d’urgence aux nouveaux arrivants.

L’hébergement des demandeurs d’asile met le canton sous pression. Il doit en effet trouver de nouvelles solutions pour pouvoir héberger les quelque 160 nouveaux arrivants qui lui sont assignés en moyenne chaque semaine par la Confédération. Or, les 32 centres d’accueil collectif actuels affichent tous quasi complet, «avec un taux d’occupation de 99,2%», indique Iris Riva, cheffe du Service des migrations (SEMI) du canton à l’Office de la population et des migrations, qui dépend de la Direction de la police et des affaires militaires (POM).

Si le canton reçoit 160 nouveaux arrivants dans ses centres de 1er accueil, ils sont à peu près autant à les quitter pour intégrer les structures de 2e phase. Comme l’indique Hannes Schade, collaborateur scientifique au SEMI, «il s’agit en principe d’hébergements collectifs mis à disposition par les communes ou des privés. Par manque de places, il arrive aussi qu’ils soient placés dans des appartements, mais c’est plus rare pour une question de coûts.» Anoter qu’on compte également environ 80 renvois par semaine sur le plan national. Et dans le canton? «Nous n’avons pas de chiffres par canton», répond Hannes Schade. Mais sachant que Berne accueille 13,5% des requérants arrivant en Suisse, on peut en déduire qu’ils sont en moyenne une bonne dizaine à être renvoyés par semaine.

Plus petites structures

Comme les communes ne veulent pas de centres d’hébergement de 1er accueil collectif de grande capacité, le SEMI travaille en étroite collaboration avec elles afin de trouver des structures plus petites. Une nouvelle orientation qui coûte toutefois plus cher, la prise en charge de requérants d’asile sur davantage de sites mobilisant plus de personnel, et donc plus de ressources.

Depuis le 5 octobre, le canton a ainsi trouvé un premier site à Grindelwald pour l’accueil de requérants mineurs non accompagnés (RMNA). Jusqu’à présent, il disposait de 90 places dans deux centres à Bärau et à Belp pour y recevoir ces enfants et ados non accompagnés qui débarquent en Suisse en quête d’asile. AGrindelwald, il s’agit d’un centre de vacances pouvant accueillir entre 20 et 60 jeunes mineurs, que le propriétaire s’est engagé à louer pour deux ans. C’est le centre Bäregg Sàrl qui va gérer ce centre.

A certaines conditions

Comme le souligne Iris Rivas, le canton est tout à fait disposé à louer des hébergements collectifs de privés, moyennant certaines conditions. «D’abord, il faut l’accord des autorités communales. Ensuite, le site doit être adapté et disposer des infrastructures nécessaires. L’endroit doit se situer dans une zone d’affectation ad hoc, répondre aux prescriptions en matière de construction et de protection antifeu, ne pas être trop isolé, et être accessible en voiture.» Par ailleurs, seuls des bâtiments ne nécessitant que de faibles investissements et dont les coûts d’exploitation sont raisonnables entrent en ligne de compte, précise la cheffe du SEMI.

Elle ajoute que son service est prêt à étudier toutes les propositions qui lui seront soumises dans l’ensemble du canton. Köniz a franchi le pas et va mettre à disposition un abri de protection civile situé à Niederscherli à partir du 1er novembre, avec une centaine de places disponibles. Il s’agit d’un second centre dans cette commune qui abrite déjà un centre avec une septantaine de places.

Solution très provisoire

En ce qui concerne les 10 tentes pour 15 personnes installées au centre de transit de Lyss-Kappelen, Iris Rivas constate qu’à l’heure actuelle, elles ne sont pas entièrement occupées, puisqu’elles abritent une soixantaine de requérants en moyenne. Pour sa part, Hannes Schade indique que ce centre de transit héberge 270 personnes – en particulier des familles – dans les bâtiments, alors que les tentes n’accueillent que des hommes pour des séjours de courte durée.

«En fait, ceux-ci sont envoyés dans des centres d’hébergement collectif aussitôt que des places s’y libèrent», précise la cheffe du SEMI.

Avec l’arrivée de l’hiver, et même si ces tentes sont chauffées, la pression monte sur la POM: le Parti socialiste et Les Verts vont déposer une motion urgente pour exiger du gouvernement qu’il mette en place une véritable politique d’asile et renonce à ces hébergements sous tente. Mais comme le relève Hannes Schade, ce sera de toute façon le cas:«Nous avons en effet un contrat de trois mois avec l’armée. Ces tentes seront démontées à mi-décembre.»

Et si le canton et les communes n’arrivent pas à trouver de terrain d’entente pour trouver de nouveaux sites d’hébergement, le canton pourrait-il malgré tout imposer l’ouverture d’abris de protection civile, contre l’avis des communes?

«Pour l’heure, la question ne se pose pas, puisque les discussions se poursuivent», tranche Iris Riva. Elle précise néanmoins que le gouvernement a débloqué un crédit d’un million de francs pour permettre au canton, en cas de nécessité, d’avoir les moyens d’honorer ses obligations en ce qui concerne l’hébergement de requérants d’asile.

L’ancien hôpital Ziegler comme site d’accueil

Le canton est en discussion avec la ville de Berne afin de pouvoir utiliser l’ancien hôpital Ziegler, fermé cet été, pour y loger des requérants d’asile. Secrétaire générale adjointe de la Direction de la formation, du social et du sport de la ville, Claudia Mannhart indique que les discussions vont bon train. «Il est clair pour tout le monde que ce bâtiment est idéal pour y héberger des requérants d’asile. La question est de savoir s’il s’agira d’un centre cantonal, ou fédéral. Le Conseil municipal devrait prendre sa décision d’ici à fin octobre.»

Le site pourrait être utilisé très vite à titre provisoire pour des hébergements d’urgence, mais pour une utilisation à plus long terme, un permis de construire sera nécessaire. En cas d’opposition, cela pourrait retarder l’entrée en service de plusieurs mois, comme pour l’ancienne caserne des pompiers de Berne.

Situation très tendue aussi à Bienne:citoyens et politiques veulent agir

Dramatique Mandatée par le canton, l’association Asile Bienne et Région (ABR) est responsable de l’accueil et du placement des réfugiés à Bienne, dans le Seeland et dans le Jura bernois. Son directeur, Philipp Rentsch, indique qu’à l’heure actuelle, les prises en charge, qui ont lieu deux fois par semaines, sont gérées au jour le jour. «Chaque fois que de nouvelles personnes arrivent, on ne sait pas si on pourra les loger.

Jusqu’à présent nous avons toujours réussi mais la situation est dramatique de notre point de vue. Seulement, comme le canton n’a pas déclaré l’état d’urgence, aucune commune ne peut être contrainte d’accueillir des demandeurs d’asile.»

Philipp Rentsch affirme que 350 personnes sont actuellement logées dans des appartements de la région dans le cadre de la 2e phase d’accueil. «Un chiffre qui est pour l’instant stable par rapport aux autres années. L’augmentation n’est pas significative et personne ne s’est retrouvé à la rue. J’espère que ça ne sera pas bientôt le cas.» Le responsable constate toutefois qu’il y a un réel manque de grandes structures pour l’accueil d’urgence et de logements destinés à la 2e phase. «Les tentes à Lyss sont provisoires (lire ci-dessus), on ne sait pas ce qui est prévu pour la suite.»

Bienne a récemment fermé deux centres de transit (rue Wasen et Tilleuls). Philipp Rentsch n’est guère optimiste quant à une possible réutilisation de ces abris. «Selon mes informations, il y a très peu de chance pour que ces centres ouvrent à nouveau.» Une hypothèse confirmée par le directeur de l’Action sociale à Bienne Beat Feurer: «Nous n’allons pas revenir sur cette décision qui a été prise dans le cadre des mesures Ecoplan que nous avons mises en place en collaboration avec le canton dans le but de faire diminuer les coûts de l’aide sociale.»

Devant le conseil de ville La question de l’accueil des réfugiés devient politique aussi à Bienne. Un postulat urgent déposé par la socialiste Anna Tanner demande au Conseil municipal de rechercher activement un bâtiment pouvant accueillir un centre de transit, de chercher des logements et de proposer des solutions alternatives comme la mise à disposition de conteneurs habitables.

Le seul centre encore ouvert aujourd’hui est celui de la Clé à la rue Centrale. Il dispose d’environ 80 places. Selon les responsables, il est aujourd’hui occupé à 130% de ses capacités. De son côté, Beat Feurer ne peut pour l’instant pas donner davantage de réponses aux questions posées dans le postulat car la procédure est en cours. Le Conseil municipal n’a pas encore officiellement pris position.

Le centre d’accueil de la Clé à Bienne est rempli à 130% de ses capacités. Archives

Il indique tout de même «que pour l’instant la ville n’a pas prévu de prendre d’autres mesures. Le canton et ABR sont responsables dans ce domaine. Nous ne pouvons donc pas interférer dans leurs affaires.» Philipp Rentsch dit être ouvert à une proposition de la Ville, comme cela a été le cas à Köniz. «Mais pour l’instant, on ne sait rien», déplore-t-il.

Mobilisation citoyenne Si sur le plan politique, le dossier n’avance guère, une partie de la population a envie de mettre la main à la pâte. Un «Café citoyen» est organisé dimanche à 13h30 au restaurant St-Gervais dans le cadre du Parcours culturel pour informer les intéressés sur les possibilités et les limites de l’engagement en faveur des réfugiés. Plusieurs organisations actives dans le domaine seront présentes.

La table ronde est ouverte à tout le monde. Les Eglises aussi s’organisent. Les paroisses réformées francophones et germanophones de Bienne prévoient de mettre à disposition une vingtaine de places d’accueil. «Nous avons monté un groupe de pilotage ayant pour but de pouvoir accueillir correctement des réfugiés. Nous ne voulons pas que ce soit uniquement de belles paroles mais que notre proposition se concrétise», explique le pasteur Pierre-André Kuchen.

La paroisse catholique aussi met à disposition quelques places d’hébergements et appellent les personnes qui le désirent à offrir leur hospitalité. Philipp Rentsch soutient cet élan de solidarité mais demande aux personnes de bien s’informer avant d’agir auprès des organisations ainsi que sur le site internet www.abr-migration.ch.

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