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Bienne

«Pas un geste prémédité»

Le Tribunal régional Jura bernois Seeland a condamné à huit ans de prison le Turc qui a poignardé à huit reprises son ex-compagne.

Photo archives, Julien Lovens

Deborah Balmer, adaptation Marcel Gasser

Le Ministère public réclamait 17 ans d’emprisonnement pour tentative d’assassinat contre ce Turc de 36 ans, coupable d’avoir asséné huit coups de couteau à son ex-compagne. Le tribunal s’est montré nettement plus clément en le condamnant finalement à huit ans d’emprisonnement, à peu près la moitié de la peine requise par le procureur. Il a certes délibérément tenté de tuer la victime après leur séparation, mais il n’a pas planifié son geste de sang-froid, et ses mobiles ne sont ni la vengeance, ni la jalousie, ont estimé les cinq juges.

Dans la foulée, ils l’ont également acquitté de l’accusation de viol, ne retenant donc contre lui que la tentative d’homicide volontaire, une décision que le prévenu a accueillie avec force hochements de tête. Son avocat a laissé entendre «qu’il n’était pas mécontent de ce verdict» et qu’il ne savait pas s’il allait recourir auprès de la Cour suprême du canton. Quant à l’accusé, il a réagi calmement à l’énoncé du jugement.

Pas le profil d’un cogneur
La présidente du tribunal, Elisabeth Ochsner, a expliqué que le couple avait d’abord vécu en bonne intelligence, mais que les problèmes avaient rapidement pris le dessus, notamment en raison des enfants (les deux filles de Madame et celle de Monsieur).

Cris, disputes, bris de vaisselle, table renversée: voilà qui paraît assez convenu. En tout cas, rien n’indique que le prévenu se soit montré violent. Il n’a pas le profil d’un cogneur, et la preuve n’a pas été apportée qu’il ait étranglé sa compagne. En revanche le fossé culturel a certainement joué un rôle important: lui très ancré dans la tradition qui veut que l’homme contrôle sa femme, elle très indépendante et souffrant de la mainmise de son compagnon.

Après la séparation, la victime s’est sentie harcelée par son ancien partenaire. Mais ici aussi, la perception de la situation n’est pas la même: Monsieur espérait une réconciliation et cherchait à renouer le contact, mais Madame avait tiré un trait définitif sur leur relation. Comme ils habitaient à quelques pas l’un de l’autre, ils se croisaient régulièrement, ce qui n’a rien d’extraordinaire en soi. Quant aux menaces de mort, elles n’ont eu aucune incidence sur la décision du tribunal, «car elles n’ont pas été proférées à l’époque de l’agression, mais bien auparavant».

Là aussi, le tribunal a fait valoir que, dans certaines cultures, «on menace beaucoup plus facilement de mort que dans d’autres». Dans la même optique, le tribunal doute que le prévenu ait délibérément suivi et espionné la victime, et qu’il ait prémédité son coup de longue date.

Sans mobile précis
Le jour fatidique, le couple s’est retrouvé devant la maison où habite la victime, car il l’avait suivie. Après un violent échange verbal, se sentant verbalement provoqué et prenant peur, il a sorti son couteau qu’il porte toujours sur lui. Alors, son ex-compagne a menacé d’appeler la police. «Refoulé une énième fois, le prévenu s’est probablement mis en colère, quelque chose s’est déclenché en lui, et il a asséné les huit coups de couteau qui ont failli coûter la vie à la victime», a résumé la présidente.

Il a agi «sans mobile précis», probablement «parce qu’il avait perdu tout contrôle de lui-même». Mais au moment de son geste, sa première intention était bel et bien qu’elle meure. C’est la raison pour laquelle le tribunal retient contre le prévenu la tentative d’homicide volontaire, excluant pourtant les motifs de vengeance, de jalousie ou encore d’extrême égoïsme.

Pas une femme soumise
«Nous ne sommes pas dans la configuration d’une tentative d’assassinat», a conclu la présidente. Concernant les accusations de viol, le tribunal n’exclut pas que les faits se soient déroulés comme l’a expliqué la victime, mais il estime que la preuve n’a pas été apportée. Si le doute subsiste, c’est que la victime est une femme très autonome, qui n’a pas l’habitude de s’en laisser conter, qui travaille et qui parle très bien l’allemand. Bref, plutôt le contraire d’une femme soumise et dépendante. Il relaxe donc le prévenu sur ce point. Le condamné retourne donc en prison pour y purger le reste de sa peine. Dans cinq ans, il sera probablement expulsé de Suisse et renvoyé en Turquie.

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