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Arc jurassien: témoignage

Pouvoir enfin marcher en paix

Comme bon nombre de ses compatriotes, Senthuran Kanesaretnam a fui le Sri Lanka en pleine guerre civile

Depuis qu’il a reçu son permis B de réfugié en 2014, Senthuran Kanesaretnam peut enfin envisagerson avenir sereinement David Marchon

Aline Andrey

«J’ai senti que je pouvais enfin marcher en paix, libre.» Ses premières impressions de la Suisse sont à la mesure de ce qu’a vécu Senthuran Kanesaretnam, lui qui a poussé son premier cri en 1983, alors que la même année la guerre civile éclatait au Sri Lanka.
Une lutte qui durera 26 ans entre les indépendantistes, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), et les forces gouvernementales cingalaises.

L’histoire de Senthuran, à l’image de son pays tourmenté, est marquée par la mort de sa mère lorsqu’il avait 3 ans seulement, par la guerre et l’exil.

L’exil

En 2004, lors d’un inespéré cessez-le-feu, le pays se voyait frappé par un tsunami. «Je me souviens de cette vague immense», évoque Senthuran qui aura le temps de fuir. Le jeune homme collabore alors avec plusieurs ONG dans la reconstruction de son pays dévasté, lui qui parle un anglais parfait et qui, malgré les difficultés, a étudié la comptabilité et le management.

En 2007, alors que la guerre civile fait rage, il est kidnappé, vraisemblablement par des forces gouvernementales. «Pour le gouvernement à l’époque tous les Tamouls étaient des Tigres», relève-t-il sans vouloir trop s’épancher sur son passé. «Vous savez, j’ai dû raconter cette histoire tellement de fois», dit-il le visage défait.

A sa libération, il décide de fuir le Sri Lanka. Il a 24 ans. A l’aide d’un passeur, il s’envole pour Singapour, puis s’inscrit auprès du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) en Malaisie. Or, le pays ne reconnaît aucun droit aux réfugiés, traités comme des clandestins. Une situation généralisée en Asie du Sud-Est.

Sans perspectives, Senthuran Kanesaretnam décide de partir: «Je cherchais un endroit où je pourrais enfin vivre sans problème. J’ai pensé à l’Europe, mais je n’ai pas choisi le pays.» Son passeur décidera pour lui. En 2011, il arrive à Bâle, avant d’être transféré dans le canton de Neuchâtel. Très vite, malgré son statut précaire, il trouve un travail et un appartement.

Permis B en poche

Trois ans et demi de procédure plus tard, il reçoit enfin son sésame en 2014: un permis B de réfugié. «Dans ma vie, j’ai toujours dû attendre, pour tout…», relève celui dont la patience est l’une des vertus. Depuis un an et demi, Senthuran peut enfin imaginer un avenir.
Ce mois de mars marque d’ailleurs un tournant dans sa vie. Après presque dix ans d’exil, il a retrouvé sa famille pour la première fois au sud de l’Inde, à Chennai dans le Tamil Nadu.

Il y a fêté son 33e anniversaire, et s’est marié quelques jours plus tard avec sa fiancée originaire de la même ville que lui, Trincomalee, dans la plus pure tradition hindoue. «C’est un mariage arrangé, mais je la connaissais déjà», dit-il en riant, heureux. Elle le rejoindra dans quelques mois, dès qu’elle aura reçu son visa en vue d’un mariage civil en Suisse.

Retourner au Sri Lanka? «C’est pas possible. C’est pas possible...», murmure Senthuran. Si le changement de président, il y a un an, semble positif, il estime que «beaucoup de choses doivent encore changer» pour qu’une paix véritable puisse émerger.

Besoin de travailler

Dans le canton de Neuchâtel, Senthuran Kanesaretnam s’est adapté rapidement à son environnement Il apprend toutefois très bien le français et, très vite, trouve un travail, alors que sa demande d’asile était encore en procédure. «J’ai besoin de travailler et d’être autonome. ça ne va pas pour moi de rester à la maison», explique Senthuran, content de son job, mais qui rêve de pouvoir utiliser ses nombreux diplômes et de trouver un emploi qui lui permette d’aider les autres.

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