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Conseil exécutif

Rickenbacher, innovateur tranquille

Après dix ans passés au sommet de l’Etat, il dira stop à mi-mandat, le 30 juin 2016

A la tête de la Direction de l’économie publique, Andreas Rickenbacher peut se prévaloir d’un excellent bilan. Peter Samuel Jaggi

Pierre-Alain Brenzikofer

Ce n’est pas à proprement parler une surprise. Le 30 juin 2016, le conseiller d’Etat socialiste et directeur de l’Economie publique Andreas Rickenbacher quittera son mandat à mi-parcours. Après avoir informé le gouvernement, il a rendu sa décision publique, hier après-midi, devant la presse, à Berne.

Ainsi qu’il l’a expliqué, en ayant été élu au gouvernement à 38 ans, il savait qu’il devrait forcément s’interroger sur la suite en pleine force de l’âge, soit avant d’avoir atteint la cinquantaine: «Cette question de l’après, je me la suis posée depuis longtemps, a précisé celui qui ambitionne d’œuvrer à l’avenir pour l’économie privée. J’aurai accompli 22 ans de politique, dont dix au gouvernement. J’ai jugé utile de m’en aller à la mi-législature, afin que mon successeur puisse se mettre dans le bain.»

Evidemment, il espère que ce soit un socialiste! Précision d’importance, le citoyen de Jens dirigeait sa propre société de conseil aux entreprises spécialisée dans le management, le marketing et la communication avant d’entrer à l’exécutif. Diplômé de l’Université de Saint-Gall, c’est tout naturellement qu’il retrouvera l’économie privée.

Un beau palmarès

Parmi ses plus grands succès, il cite forcément l’implantation à Bienne du Parc suisse d’innovation, «l’innovation étant pour moi la clé de la sauvegarde de notre prospérité». D’une façon ou d’une autre, on devrait le retrouver lorsqu’il s’agira de concrétiser cette réalisation.
L’homme a également tenu à citer l’implantation, dans ce canton, de grandes entreprises internationales, mais aussi la création et le développement du Greater Geneva Berne Area et de l’Association Région capitale suisse, tous deux voués à l’épanouissement de Berne et de ses voisins.

«Nous avons aussi revu notre promotion touristique de fond en comble et réduit le nombre de nos grandes destinations de 12 à 5, histoire de mieux affronter la concurrence du Valais et des Grisons.»

En matière de politique environnementale, enfin, c’est sous son règne que Berne est devenu le premier Etat à lancer un programme d’action pour le renforcement de la biodiversité. A ce stade du récit, on s’en voudrait d’oublier la publication du fameux Plan Loup, qui devrait servir de modèle à toute la Suisse! Pas sûr qu’un ministre de l’Economie de droite aurait favorisé l’établissement d’un tel plan. A titre personnel, le magistrat n’est pas peu fier d’avoir été le premier conseiller d’Etat bernois depuis une éternité à présider la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique. Pas mal, pour un socialiste!

Pour ce qui est du futur, ainsi qu’il l’a martelé hier, le fait d’avoir étudié à Saint-Gall, d’avoir possédé son propre bureau et surtout d’avoir dirigé une organisation aussi gigantesque que la Direction de l’économie publique lui permet d’affirmer qu’il possède une sacrée expérience. Laquelle lui sera fort utile lors de sa reconversion: «Mes nombreuses relations et mon sens de la communication devraient m’aider dans le privé», a-t-il prédit tout en ajoutant que, finalement, économie et politique se côtoient perpétuellement.

Forcément, Andreas Rickenbacher a été interpellé hier sur ce départ prématuré, qui risque de remettre en cause la majorité rose-verte du gouvernement. «Je ne veux pas jouer les prophètes, a-t-il répondu. De surcroît, celui qui viendra après moi disposera de deux ans pour se mettre dans le bain.» On l’aura compris, il mise sur l’élection d’un socialiste.

Rien de concret

A l’heure actuelle, l’intéressé dit n’avoir pas encore de projet concret quant à sa future occupation.

D’aucuns, inéluctablement, se sont interrogés sur cette annonce fort prématurée, dans la mesure où son retrait ne sera effectif que le 30 juin de l’année prochaine. Eh bien, il souhaitait offrir à son parti la possibilité de préparer la suite au mieux.

«Je me retire complètement de la politique après y avoir œuvré durant 22 ans», a-t-il conclu. Sans toutefois exclure catégoriquement un retour. Au Conseil national, par exemple?

Dialogue et consensus

En tout cas, avec le précité, c’est aussi un homme de consensus et de dialogue qui s’en va. Il nous l’avait déclaré personnellement lors de sa première candidature à l’exécutif, alors qu’il était chef du Groupe PSau Grand Conseil: «En tant que représentant d’un parti minoritaire au parlement, je dois perpétuellement chercher des alliés et des consensus.»

Une politique qu’il a sûrement pratiquée au gouvernement. Même en y étant majoritaire!

Que de papables!

Forcément, les noms de plusieurs personnalités socialistes circulent déjà pour ce qui est de la succession. Dont ceux des conseillers nationaux Evi Allemann et Matthias Aebischer, de la co-secrétaire générale du PSsuisse Flavia Wasserfallen.
Pour la bonne bouche, on citera aussi les députés Michael Aebersold, Christoph Ammann, Patric Bhend et Ursula Zybach.

A noter que Roberto Bernasconi, député de Malleray et vice-président du PS bernois n’est pas candidat: «Pas en 2016...», sourit-il.

Forcément, on citera aussi le nom du maire de Bienne Erich Fehr. Suivra-t-il les traces de son père Hermann, qui fut également maire de la ville avant de devenir conseiller d’Etat? Selon de nombreux observateurs, il a exactement le même profil qu’Andreas Rickenbacher et il est Seelandais tout comme lui.

Enfin, il est fort probable que l’UDC combatte le futur candidat socialiste, comme l’a laissé entendre le président du parti Werner Salzmann à la sda.

«Et si le radical Jürg Käser démissionnait aussi avant la fin du mandat?»

Roberto Bernasconi  Vice-président du PS bernois, le député de Malleray Roberto Bernasconi n’est pas surpris par cette démission: «Nous avions déjà été avertis lors de la précédente législature qu’Andreas Rickenbacher songeait à quitter le gouvernement. Finalement, il s'est quand même représenté. Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts à assurer la suite. Nous ne manquerons pas de papables. Seule inconnue: est-ce que le radical Jürg Käser va également démissionner avant la fin du mandat, ce qui ouvrirait encore le jeu?»

Cela dit, notre interlocuteur estime que le démissionnaire a été un remarquable ministre de l’économie, ce que tous les industriels du Jura bernois et d’ailleurs reconnaissent: «Je l’ai côtoyé au sein de la Commission des finances.Il a toujours été proche des gens et de son parti. Nous aurons d’ailleurs une séance avec lui lundi prochain.»

Reste que le député s’attend à une candidature d’un membre de l’UDC l’an prochain. Si tel est le cas, le peuple devra rallier les urnes. Mais si le PS se retrouve seul à revendiquer le poste, il y aura élection tacite. «Si un candidat de droite ne démissionne pas à mi-parcours, le siège socialiste sera en danger l’an prochain», prédit-il.

Chantal Bornoz Flück  Ancienne présidente socialiste du Grand Conseil, la précitée n’est pas étonnée du tout par ce renoncement:«Il a un âge où il doit penser à la suite de sa carrière professionnelle. C’est même le dernier moment. Il m’avait d’ailleurs dit il y a quelques années qu’il se trouvait à la croisée des chemins. Il va sûrement se remettre à son compte. Avant de devenir conseiller d’Etat, il possédait son propre bureau de conseil et de marketing.»

A l’heure de qualifier le démissionnaire, notre interlocutrice parle d’une personne très pragmatique et de centre-gauche, fort appréciée des cadres de l’administration, y compris  par ceux qui n’appartiennent pas au PS: «C’est un magistrat très compétent et très fiable.»

Francis Daetwyler  Député socialiste de Saint-Imier, il apprécie énormément la personnalité d’Andreas Rickenbacher: «Il a une très bonne compréhension des problématiques industrielles et régionales. Il a de surcroît toujours été ouvert au dialogue.»
L’Imérien note aussi que le CJB a toujours pu se prévaloir d’excellentes relations avec la Direction de l’économie publique.

Il glisse par ailleurs que c’est grâce au magistrat que la politique régionale a été bien acceptée dans ce canton, contrairement à d’autres. Le député note encore que le démissionnaire jouit d’un grand respect dans le monde économique.

Ursula Marti  Pour la présidente du PS bernois, Andreas Rickenbacher personnifie un PS moderne conciliant économie, affaires sociales et écologie en pensant aux générations futures.

«Travailler avec lui a été très constructif et enrichissant. Il pensait que les activités du Conseil d’Etat étaient compatibles avec les valeurs en tant que social-démocrate.»

Quant à Michael Aebersold, président du Groupe socialiste au Grand Conseil, il ajoute qu’avec avec le citoyen de Jens, c’est un conseiller d’Etat dévoué et fiable qui s’en va, grandement apprécié tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti comme interlocuteur et décideur innovant.

Dans un communiqué, le PS bernois note enfin que cette décision ayant été communiquée suffisamment tôt, la direction du parti n’est surtout pas prise au dépourvu. Le PS est dès lors prêt à défendre le siège ainsi laissé vacant. Il décidera de la suite des événements dans les semaines à venir.

Erich Fehr  Le maire de Bienne regrette le départ d’un «conseiller d’Etat qui était toujours conscient de l’importance de l’industrie pour le canton». «Un engagement d’autant plus important pour Bienne qui est une ville industrielle», ajoute le socialiste au micro de TeleBielingue. Les autorités biennoises ont également étroitement contribué avec Andreas Rickenbacher pour obtenir l’implantation dans la cité seelandaise d’une antenne régionale du Parc suisse d’innovation, rappelle encore Erich Fehr.

Le maire, qui espère que le gouvernement rose-vert se maintienne, n’envisage pas pour l’heure de marcher sur les pas de son père, Hermann Fehr, qui a été lui aussi maire de Bienne avant d’être élu au Conseil exécutif. «Je ne suis maire que depuis quatre ans et demi et ce poste me plaît énormément.»

Patrick Calegari  «C’est une mauvaise nouvelle. Andreas Rickenbacher s’est beaucoup investi pour l’économie de Bienne, du Seeland et du canton en général», a réagi le président des PME biennoises au micro de Canal 3. «On perd une personne compétente qui a su parler avec les patrons, qu’ils soient francophones ou germanophones.»

Pour Patrick Calegari, le socialiste laissera des traces à Bienne grâce au dialogue établi avec l’industrie, notamment l’horlogerie, et à son engagement pour la venue du Parc suisse d’innovation. «J’espère que cette démission n’aura pas de conséquences négatives pour notre région et que le futur élu fera preuve du même enthousiasme et du même amour pour le canton.»

Le président craint que «l’on perde l’élan créé par Andreas Rickenbacher, surtout que nous sommes dans une période sensible depuis l’abandon du taux-plancher.»

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