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Littérature

Son deuil en poésie

Laurent Burkhalter signe «154 sonnets à Barry», un recueil de poèmes où le Biennois célèbre un amour impossible avec un homme disparu.

La passion amoureuse se mêle à la mélancolie du deuil dans le recueil du Biennois Laurent Burkhalter, «154 sonnets à Barry». MAP

Par Maeva Pleines

C’est une histoire d’amour tragique et sulfureuse. A 27ans, Laurent Burkhalter tombe instantanément sous le charme d’un beau jeune homme qui rejoint sa troupe de théâtre, à Tramelan. «Je ne me savais pas homosexuel. Ma femme non plus», souffle-t-il. De cette idylle plutôt rêvée qu’assouvie naît un bouleversement au sein de sa famille, ainsi qu’un recueil de poèmes, publié plus de 30ans après. «J’ai d’abord fantasmé cette histoire d’amour, car cet ami n’était pas attiré par les hommes. Sauf que, peu de temps après, il est décédé d’un cancer. Depuis, je lui ai écrit des centaines de poèmes, comme une stèle en sa mémoire. Une manière de faire mon deuil tout en conservant ce beau souvenir», confie l’écrivain et peintre résidant à Court.

La récente publication de son recueil «154 sonnets à Barry» résonne donc comme une reconnaissance bienvenue, et une nouvelle étape dans son deuil. «Ces écrits datent d’il y a 37ans, mais j’ai dû attendre mes 70ans pour trouver un éditeur intéressé», retrace-t-il. Sincère, bien qu’un brin lunaire, Laurent Burkhalter ajoute toutefois que cette nouvelle visibilité ravive de douloureux souvenirs pour sa femme. «Je ne la remercierai jamais assez pour son dévouement et j’espère qu’elle ne me quittera pas à cause de ça», glisse-t-il.

Prestigieuse préface
Malgré le chagrin lié à son écriture, le Biennois réussit à sublimer les épreuves avec sa plume. Sa maison d’édition Jets d’Encre salue ainsi «une parfaite maîtrise des formes classiques» et des vers aussi justes que mélodieux, «d’où surgissent souvent des images bouleversantes, alliant devoir de mémoire et infinie émotion».

L’auteur est par ailleurs comparé à Shakespeare, Michel Ange et Baudelaire dans une préface signée par l’écrivain et diplomate français Roger Peyrefitte. Le lauréat du prix Renaudot avait répondu à une audacieuse sollicitation de Laurent Burkhalter, il y a de nombreuses années. «J’avais d’abord demandé aux écrivains de la région, qui ont tous décliné, jugeant le sujet trop sulfureux. J’ai donc décidé de viser plus haut, auprès d’un de mes modèles», sourit le poète.

Celui-ci confirme par ailleurs son admiration pour les grands hommes de lettres comme Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud. «Je suis un fou de poésie, en décalage avec mon temps. D’ailleurs, je suis un fou tout court, puisque je me suis fait interner deux fois à Bellelay», lâche ce rêveur, dépassé par ce siècle «où règne la tyrannie des téléphones portables».

Pas désabusé pour autant, Laurent Burkhalter assure que le grand public reste sensible à la beauté des mots. «La poésie a simplement évolué vers d’autres formes, comme le rap. Mais moi, j’aime la concision et la structure contraignante des sonnets, qui apporte à la fois un cadre et un défi.» Amateur de versification classique, le Biennois a également rédigé des triolets, des rondeaux et des haïkus. «J’ai encore tout un paquet de textes à publier, notamment ‹365 sonnets à Barry›, pour faire le tour d’une année avec le souvenir de ce cher ami, avant de clore définitvement le sujet. Toutefois, le deuil ne se terminera sans doute jamais complètement», partage Laurent Burkhalter. Et de conclure: «L’amour est un mystère. Nous le ressentons, mais n’en sommes pas maîtres.»

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