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Bienne: Tribunal régional

Trafiquants derrière les barreaux

L’homme et la femme qui ont importé et distribué plus de 11 kilos de cocaïne dans toute la Suisse entre janvier et juin 2014 ont été condamnés à respectivement 9 ans et demi et 7 ans d’emprisonnement.

Les deux prévenus avaient été interpellés par la police en juin 2014. Ils sont emprisonnés depuis leur arrestation. Archives/Julie Lovens

Didier Nieto

Le Tribunal régional Jura bernois-Seeland a rendu son verdict hier. Sam* et Liliane* ont été reconnus coupables d’infractions graves à la Loi sur les stupéfiants. Le couple, qui agissait depuis Bienne, a importé et distribué plus de 11 kilos de cocaïne mélangée entre janvier et juin 2014.

Le ressortissant hollandais de 49 ans a été condamné à neuf ans et demi d’emprisonnement. Sa compagne, une Suissesse de 50 ans, a écopé de sept ans. Ces sentences – qui punissent également du blanchiment d’argent – sont identiques à celles requises par le Ministère public (notre édition d’hier).

Durant leur audience mardi, les deux prévenus n’avaient pas totalement contesté les faits, mais avaient largement minimisé leur implication dans ce trafic. «Or, l’enquête a prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu’ils étaient des membres importants d’un vaste réseau transcantonal, voire international», a asséné Maurice Paronitti, président du tribunal composé de cinq juges. «Une telle quantité de drogue n’aurait, du reste, jamais pu être écoulée en si peu de temps ailleurs que dans une organisation bien rodée.»

«Grande intensité»
L’enquête avait été initiée par les polices zurichoise et vaudoise. L’arrestation d’un individu en possession de cocaïne avait permis de resserrer l’étau sur Sam et Liliane. Les investigations ont révélé que le couple rapatriait des mules depuis l’étranger jusque dans l’appartement de Liliane à Bienne.

Là, il conditionnait la cocaïne puis la livrait à différents destinataires dispersés aux quatre coins de la Suisse. Le rôle de Sam était de coordonner les transports, les transactions et le transfert de l’argent. Celui de Liliane, qui suivait les consignes de son compagnon, consistait à acheminer les mules et la marchandise et à encaisser les paiements.

Le mode opératoire de cette «activité d’une grande intensité» atteste que le couple agissait au sein d’un trafic d’envergure, a conclu le tribunal. «Les détails des transactions étaient transmis par messages codés. Les boudins de cocaïne ainsi que les mules portaient eux aussi des codes afin de rendre la distribution plus efficace. Et Liliane a changé de téléphone et de numéros à de nombreuses reprises afin de réduire les risques d’interception», a relevé Maurice Paronitti.

Des témoignages et des indices ont d’ailleurs prouvé que Sam occupait une position élevée dans la hiérarchie de ce réseau. «Toutes les mules provenaient par exemple de son pays, la Hollande.»

«Pointe de l’iceberg»
Tout comme le Ministère public, le tribunal considère que l’activité du couple ne pourrait être que «la pointe de l’iceberg». L’enquête n’a toutefois pas permis de remonter à la source d’approvisionnement en cocaïne, notamment en raison de la structure «pyramidale et cloisonnée» de ce genre de réseau.

Le manque de collaboration des deux prévenus durant la procédure a pesé lourd dans la balance. Leur crédibilité est jugée faible en raison de nombreux mensonges, incohérences, amnésies sélectives ou contradictions. Sam avait par exemple expliqué être venu en Suisse en automne 2013 dans le but d’ouvrir une discothèque et d’acheter un camion pour l’entreprise d’extraction de sable qu’il prétendait diriger au Nigeria, son pays d’origine.

«Mais il n’a jamais pu prouver l’existence de cette société, si ce n’est en présentant une carte de visite!»

Le couple paie aussi son absence de scrupules quant «aux effets dévastateurs de la substance mise en circulation». Selon les estimations, environ 300 personnes ont été affectées par la marchandise que Sam et Liliane ont écoulée. Or, ni l’un ni l’autre n’ont exprimé de véritables regrets, a déploré le tribunal.

La prévenue, qui avait reconnu ses erreurs en larmes lors du procès, a «toujours agi de son plein gré en bon petit soldat et s’est rendue compte trop tard de la gravité de ses actes», a fustigé le président. «Et il y a une différence entre éprouver des regrets sincères et s’apitoyer sur son sort une fois la pièce jouée.»

Les prévenus, qui ne consomment pas de stupéfiants, ont uniquement agi par «appât du gain». Aucun d’eux n’avait d’antécédent judiciaire lié à la drogue en Suisse. La facilité avec laquelle Sam est tombé dans la délinquance si peu de temps après son arrivée dans la région tend d’ailleurs à prouver le rôle central qu’il tient dans l’organisation du trafic, a estimé le tribunal.

Quant à Liliane, qui dépend de l’aide sociale depuis le décès de son mari, «rien n’explique ses agissements si ce n’est une indolence qui confine au bovarysme», a conclu Maurice Paronitti.

Les deux condamnés sont ensuite retournés en prison, où ils sont enfermés depuis leur arrestation en 2014.

* Prénoms d’emprunt

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