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Intégration

Un jardin pour se reconstruire

A travers son programme «Nouveaux jardins», l’œuvre d’entraide protestante suisse (EPER) offre à des migrants la possibilité d’exploiter une parcelle de terre à Bienne et ailleurs en Suisse. Une expérience qui porte ses fruits. Aux haricots et plants de tomates se greffe l’espoir.

Les «Nouveaux jardins», à la fois pôle de rencontre, de partage et espace pour souffler un peu, oublier la pression quotidienne. Photo: EPER/Sabine Buri

Par Nicole Hager

Depuis une dizaine d’années, l’EPER, l’œuvre d’entraide des églises protestantes de Suisse, favorise l’intégration des personnes migrantes par le biais du jardinage. A Bienne, c’est la paroisse réformée qui a mis des terrains à disposition, juste à côté de l’église Saint-Paul, dans le quartier de Madretsch. Et tous les mercredis après-midi, de la mi-mars jusqu’au mois de novembre, des migrants s’y rencontrent.

«Beaucoup de nos participants cultivaient leur propre lopin de terre et sont donc habitués à faire du jardinage. Avec l’exil, ils ont tout perdu. Leur maison, leurs amis, mais aussi leur jardin», explique Therese Käppeli. «En participant à notre projet, ils retrouvent un nouveau jardin qui leur donne le courage d’affronter leur nouvelle vie», poursuit la responsable du programme pour ce qui est des «Nouveaux jardins» de Bienne, de Berne et de Berthoud. Le projet a essaimé dans bien d’autres lieux.

Oublier le passé
Tant en Suisse romande qu’en Suisse alémanique, chaque jardin communautaire constitue un lieu de rencontre, où les réfugiés peuvent oublier les horreurs du passé, améliorer leurs connaissances linguistiques, nouer des contacts, sortir de leur isolement, obtenir des informations pour mieux s’orienter dans la société, partager un savoir-faire ou encore acquérir des compétences et reprendre confiance en eux.

Pour atteindre tous ces objectifs, l’EPER organise et finance en partie tous les «Nouveaux jardins». Elle engage également des responsables, à la fois des experts en jardinage et en intégration, chargés d’accueillir, de conseiller et d’accompagner les participants. Tous se réunissent une fois par semaine durant la saison de jardinage. C’est une condition de participation posée aux migrants.

Sarcler, c’est la santé
Les évaluations du projet montrent qu’il porte ses fruits. Les bénéficiaires mettent en avant les bienfaits du jardinage en communauté tant pour leur santé morale que physique. Therese Käppeli observe des transformations chez plus d’un réfugié amateur de jardinage.

«Beaucoup disent qu’en jardinant, ils oublient leurs soucis. Que d’avoir une activité physique régulière, dehors, à l’air libre, au soleil, dans un lieu où ils se sentent acceptés, où ils se sont fait des amis, les aident à garder la santé et le moral. Sans cette possibilité de sortir, beaucoup resteraient enfermés chez eux à ruminer leurs soucis liés à la situation de leur famille restée au pays et à leur hypothétique avenir en Suisse.»

La culture du partage
En provenance du Kurdistan, d’Erythrée, de Somalie, d’Afghanistan, d’Irak, de Géorgie ou encore de l’Iran, à Bienne, une vingtaine de personnes travaillent les onze parcelles mises à disposition sur une surface de 400 m². Elles aménagent et cultivent à leur convenance les lopins de terre qui leur sont alloués. Elles se procurent également par leurs propres moyens les semences et les plantons, avant de disposer de leurs récoltes, ce qui leur permet d’enrichir leurs repas à moindre coût.

La culture de légumes, aromates et fruits soulage en effet le budget de ménages aux moyens très limités et enrichit les repas en produits sains. «Nos bénéficiaires cuisinent les légumes qu’ils ont semés, procèdent à des échanges, en distribuent autour d’eux. Comme le projet leur apporte beaucoup, ils apprécient de pouvoir montrer leur reconnaissance en partageant leur récolte avec le responsable du jardin, ainsi qu’avec les bénévoles qui les entourent.»

Pour ses multiples projets de «Nouveaux jardins» un peu partout en Suisse, l’EPER est toujours à la recherche de parcelles de terrain à cultiver, ainsi que de bénévoles passionnés de jardinage ou prêts à donner un coup de main pour entourer les enfants des jardiniers-migrants. Intéressé-e? Contactez Therese Käppeli de l’EPER, tél. 031 385 28 47 (mercredi et vendredi), therese.kaeppeli@heks.ch

Intégration hors sol pour une aventure aussi potagère qu’humaine
Semer, planter, rencontrer, arroser, observer, cueillir, goûter, partager… Dans ces jardins que Charles Trenet aurait qualifié d’extraordinaires, il ne pousse pas que des fruits et des légumes. L’œuvre d’entraide protestante suisse (EPER) s’emploie à y semer l’espoir en y accueillant des réfugiés et en les invitant à jardiner pour retrouver foi en l’avenir. Et ça marche. La preuve avec Amena*. Comme d’autres réfugiés à la situation particulièrement précaire, cette maman syrienne a pu intégrer le projet biennois. «Quand elle est arrivée, après plusieurs années sur les routes de l’exil, elle était épuisée», se souvient Therese Käppeli, responsable régionale du projet auprès de l’EPER. «Au jardin, elle a commencé à parler un peu l’allemand. Comme le travail de la terre lui était familier, elle a pu mettre à profit ses connaissances. Cela lui a fait du bien de pouvoir montrer ce dont elle était capable, d’autant que, du point de vue professionnel, elle n’avait aucune perspective. Tout ce qu’elle a appris dans son pays, ses diplômes ne sont pas reconnus ici. C’est le lot de bien des réfugiés.»

Prendre soin des plantes a permis à Amina de gagner en confiance. Therese Käppeli retrace la suite de son parcours pour le moins exemplaire: «Comme elle était institutrice dans son pays, le responsable du jardin lui a proposé d’intégrer le conseil des parents de l’école de ses enfants. Elle s’est montrée courageuse. Elle a accepté le défi même si elle ne parlait pas encore très bien l’allemand à ce moment-là. Après coup, nous lui avons demandé si elle était disposée à faire du bénévolat pour nous. Nous travaillons beaucoup avec des bénévoles et nous cherchions quelqu’un qui puisse encadrer les enfants de nos participants. Elle était ravie de pouvoir s’investir ainsi dans notre projet. On l’a aussi encouragée à entreprendre une formation continue pour devenir responsable d’un groupe de jeux. Quelques mois plus tard, elle a décroché son premier emploi. Elle était fière et, maintenant, elle est engagée dans une crèche, à Bienne.» *prénom d’emprunt

Deux rendez-vous
* EXPO ET DISCUSSION Le projet d’intégration «Nouveaux jardins» fait actuellement l’objet d’une exposition de photographies «Des racines dans la nouvelle patrie», dont deux illustrations sont publiées dans cette page. A voir jusqu’au 1er juin dans la cage d’escalier de la Bibliothèque de la ville de Bienne, cette présentation visuelle sera complétée jeudi prochain, à partir de 18h30, par une soirée de rencontre et d’échanges, en allemand et en français, avec des bénéficiaires des «Nouveaux jardins» et Therese Käppeli, responsable du projet biennois. Cette manifestation s’inscrit dans le cadre de «La bibliothèque verte», une offre proposée depuis l’an dernier par la Bibliothèque de Bienne et à laquelle sont liés d’autres événements en rapport avec le jardinage ainsi que la grainothèque, un petit coin de verdure au milieu des livres où s’échangent des semences de fleurs, de légumes ou de plantes aromatiques en toute gratuité. Plus d’info: www.bibliobienne.ch. Entrée libre, collecte.

* ANNIVERSAIRE Les nouveaux jardins célébreront leurs dix ans d’existence, le mercredi 12 juin, à la maison de paroisse

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