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Horlogerie

Un rôle de pionnier dans le partenariat social

Basée à Bienne, l’Association patronale de l’horlogerie et de la microtechnique (APHM) est un des principaux acteurs de l’industrie horlogère. Elle fête cette année ses 100 ans d’existence.

Le conseiller aux Etats Hans Stöckli a souligné l’importance de la branche horlogère pour la Suisse. LDD-Mario Wüest

Philippe Oudot

Un siècle d’existence, cela se fête! Hier, une bonne centaine de personnes ont pris part aux festivités marquant les 100 ans d’existence de l’Association patronale de l’horlogerie et de la microtechnique (APHM), Un anniversaire organisé dans le très cossu Hôtel Bellevue, à Berne. L’occasion, pour sa présidente Carole Décosterd, de rappeler quelques-uns des temps forts qui ont jalonné l’histoire de celle qui s’appelait alors Association cantonale bernoise des fabricants d’horlogerie (ACBFH).

Créée à l’initiative de trois industriels de la région – Paul-Emile Brandt, d’Omega, Henri Frédéric Sandoz, de Tavannes Watch, et Baptiste Savoye, de Longines, l’ACBFH avait pour buts de regrouper de manière plus structurée les groupements patronaux, organisés jusque-là en corporations, et de défendre leurs intérêts face aux syndicats.

C’est sous l’égide de l’ACBFH qu’a été signé en 1919 avec la FOMH (Fédération des ouvriers sur métaux et horlogers) un premier accord sur la réduction du temps hebdomadaire de travail, qui est passé de 58,5 à 52,5 heures. «Ce fut une première expérience de paix du travail dans l’horlogerie», a souligné Carole Décosterd.

L’ACBFH a aussi joué un rôle important dans les négociations qui ont conduit à l’adoption de la convention collective de travail (CCT) de l’horlogerie, en 1937, «qui institua un régime de paix sociale absolue», a-t-elle souligné. L’association a aussi été une pionnière et un acteur clé dans la formation professionnelle, et notamment dans la revalorisation des métiers horlogers, après la crise des années 75 à 85.

En 2000, afin de s’adapter aux mutations économiques et aux besoins de ses membres, l’ACBFH a opéré une mue en profondeur pour devenir l’Association patronale de l’horlogerie et de la micromécanique (APHM). Face aux évolutions technologiques actuelles, l’horlogerie devra continuer d’innover et de s’adapter, et l’APHM entend bien continuer à jouer un rôle majeur dans l’intérêt de ses membres et dans un esprit de dialogue avec les partenaires sociaux.

 

«La stabilité politique est un pilier très important pour l’industrie!»

FERVENT DÉFENSEUR Pour marquer son double jubilé, l’APHM avait convié un orateur de marque, le conseiller aux Etats et ancien maire de Bienne Hans Stöckli, «un politicien fervent défenseur de l’horlogerie», a souligné Carole Décosterd.

Si la création de l’ACBFH en 1916 était une réponse à la montée en puissance des syndicats, Hans Stöckli a rappelé que la situation du monde ouvrier était alors très difficile: entre 1914 et 1918, le prix des pommes de terre avait augmenté de 93%, celui de pain de 108%, et celui de la viande de bœuf, de 122%. «D’où les revendications salariales défendues par la FOMH, qui comptait alors 11000 membres dans la région de Berne et du Jura bernois», a souligné l’orateur.

Evoquant la crise horlogère des années 75 à 85 au cours de laquelle les effectifs de la branche avaient fondu, passant de 90000 à 30000 employés, il a rappelé que cela avait eu un lourd impact pour Bienne, «capitale mondiale de l’horlogerie»: sa population avait chuté de 64000 à moins de 50000 habitants. Mais dans la foulée de la renaissance de la montre, Bienne a su reconnaître son importance «en décernant la citoyenneté d’honneur à Nicolas Hayek en 2005, et à Harry Borer en 2012».

UN POIDS LOURD Contrairement à d’autres industries qui ont quasi disparu,  l’horlogerie a su se réinventer pour devenir la 3e branche exportatrice. Selon Hans Stöckli, «elle porte dans ses gènes les valeurs essentielles de la Suisse que sont l’équité, la précision, la fiabilité, la créativité, le savoir-faire et l’excellence».

Et comme la branche est principalement de culture francophone, «cela a permis à Bienne de devenir la plus grande ville bilingue de Suisse!» Par ailleurs, il a souligné que l’horlogerie était une des cinq activités stratégiques de région touristique Jura & Trois-Lacs dont il est le président, la région offrant diverses prestations touristiques autour de la montre. Et d’ajouter que le nouveau centre de Swatch et l’extension des bâtiments d’Omega, à Bienne, vont contribuer à renforcer cette offre.

DÉFIS À VENIR S’agissant du futur, l’horlogerie devra faire face à au moins trois défis, a observé le conseiller aux Etats. D’abord dans le domaine du partenariat social, avec les prochaines négociations concernant le renouvellement de la CCT de la branche. Il y a ensuite quatrième révolution industrielle, celle du numérique.

Dans ce contexte, Hans Stöckli s’est félicité du fait que le Conseil fédéral ait adopté la Stratégie suisse numérique, qui doit être développée en partenariat avec l’économie, les milieux scientifiques, le monde de la recherche et la société civile. Il s’agit donc de se tourner vers l’avenir. La 4e révolution industrielle n’est toutefois pas dépourvue de danger – en témoigne la récente attaque informatique dont a été victime l’entreprise Ruag.

«Plus besoin aujourd’hui d’envoyer des espions sur place, on peut désormais s’introduire dans les systèmes par internet et modifier les données à l’insu de la victime», a-t-il souligné. Pour l’horlogerie, il a estimé que le challenge de cette 4e révolution était sans doute celui de la montre connectée.

Quant au troisième défi, Hans Stöckli a évoqué celui de la fiabilité politique, «un des atouts majeurs de notre pays». Il a salué la décision prise vendredi par le Conseil fédéral, qui a enfin adopté la révision de l’ordonnance sur le Swiss made, malgré les tentatives d’obstruction de certains milieux: «Ce texte entrera en vigueur en janvier prochain.»

Pour avoir droit à ce précieux label, 60% au moins du coût de revient de la montre et du mouvement devront être générés en Suisse, tout comme le développement technique de la montre et du mouvement. Il a enfin évoqué le dilemme auquel doit faire face le Conseil fédéral concernant les dispositions de mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse – qui s’apparente à la quadrature du cercle.

Il s’est néanmoins dit confiant, estimant que les sept Sages sauraient trouver le moyen de concilier ce qui semble inconciliable – quitte à passer par une révision constitutionnelle. Dans tous les cas, il a affirmé que «la stabilité politique est un pilier très important pour l’industrie. Il faut donc tout faire pour garantir ce pilier!»

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