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Jura bernois: tribunal

Une affaire complexe à démêler

Le procureur requiert 36 mois de peine privative de liberté, dont 6 fermes, contre l’homme accusé de viol sur mineur et contraintes sexuelles. La défense plaide l’acquittement

Le tribunal de Moutier rendra son verdict aujourd’hui dans l’affaire de viol sur mineur. Archives

Catherine Bürki

La culpabilité de Malik* ne fait que peu de doute pour le procureur Raphaël Arn. Ce dernier requiert une peine privative de liberté de 36 mois, dont 6 fermes et 30 de sursis à l’encontre de ce trentenaire qui comparait depuis mardi devant le Tribunal régional de Moutier. Pour rappel, l’homme originaire de la région doit répondre de trois chefs d’accusation. Tout d’abord actes d’ordre sexuel avec une mineure et viol sur mineur à l’encontre de Simone*, partie plaignante, ainsi que contraintes sexuelles envers Aline*, entendue à titre de témoin uniquement. Des faits qui se seraient tous déroulés entre 2006 et 2007 dans le Jura bernois.

Complexe, comprenant deux volets distincts, celui de Simone et celui d’Aline, une multitude d’auditions, de témoins et passablement d’incohérences entre les différentes déclarations, l’affaire a donné du fil à retordre aux avocats et au procureur pour l’élaboration des plaidoiries qui se sont déroulées hier. A l’heure de faire son réquisitoire, le procureur s’est alors tout d’abord penché sur la prévention la plus grave, à savoir celle de viol sur mineur et pour laquelle il requiert une peine de 20 mois. «On a ici deux versions. Celle de Simone, qui dit avoir été violée à 15 ans lors d’une soirée entre amis et celle de Malik, âgé de 18 ans, qui réfute en assurant qu’on l’accuse à titre de vengeance.

La question est de savoir quelle est la version la plus cohérente. » Pour lui, le constat est alors clair. «Les déclarations du prévenu ne tiennent pas la route.» D’avis du procureur, les propos tenus par Malik au sujet des faits essentiels seraient «d’une extrême pauvreté alors même qu’il s’est montré très précis lorsqu’il s’agit de décrire d’autres événements de l’époque». Des trous de mémoires a priori sélectifs ponctués, selon lui, d’incohérences dans ses déclarations. «Il dit par exemple être resté avec la plaignante toute la soirée sur le canapé alors que celle-ci assure que les faits se sont déroulés dans un bureau et qu’une amie présente cette nuit-là assure les avoir vus.»

De quoi, pour lui, qualifier «d’absolument nulle» la crédibilité du prévenu. Et ceci quand bien même des incohérences dans le discours de Simone ont aussi été relevées. «Ses déclarations. n’ont pas toujours été concordantes. Mais contrairement au prévenu, elle s’est montrée claire sur les faits reprochés et les témoignages récoltés appuient généralement ses propos. C’est le reste qui est parfois flou.»

La défense veut l’acquittement
Avocat de la partie plaignante, Me André Gossin, a abondé dans le même sens que le procureur. Réclamant la condamnation - sans proposer de peines précises - il a insisté sur l’impassibilité de Malik durant les audiences.

«Il est resté calme même lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait de ce dont on l’accusait. Moi, si on m’accusait de viol alors que je n’ai rien fait, je hurlerais», a-t-il déclaré, soulignant que sa cliente était, elle, très émotionnée. Par ailleurs, Me Gossin s’est attaqué à un argument mis en avant par la défense. A savoir que Simone a revu Malik à plusieurs reprises après les faits reprochés et avant de porter plainte. «Ma cliente était adolescente et s’est retrouvée seule après les faits. Elle s’est raccrochée à une amie qui fréquentait le même cercle que le prévenu. Elle a alors fait comme si de rien n’était pour se fondre dans la masse». Et de souligner encore les pratiques sexuelles plutôt décomplexées de Malik. «Il dit avoir eu des fellations de nombreuses filles dont il ne se souvient même pas des noms. Seul l’acte sexuel compte pour lui, c’est un prédateur.»

A son tour de s’exprimer, l’avocat de la défense Gwenaël Ponsart a d’entrée assuré que l’attitude de son client durant le procès ne prouvait en rien sa culpabilité. «Il est de nature introverti, c’est tout.» Quand à savoir pourquoi ce dernier ne s’est pas montré plus locace au sujet du déroulement des faits, l’explication est pour lui évidente: «Comment expliquer quelque chose qui ne s’est pas passé?»À ce titre, Me Ponsart s’est dit surpris de la position prise par le Ministère public. Selon lui, les déclarations de la plaignante ne seraient en effet pas plus cohérentes que celles de son client. «Sa version du déroulement de la soirée a évolué au fil des auditions.

Elle assure aussi ne pas être allée dormir avec le prévenu après une soirée qui s’est déroulée en 2009, alors que plusieurs témoins disent le contraire.» Et de souligner encore que Simone a décidé de porter plainte juste après que son client se soit mis en couple. «Les témoignages ont prouvé que leur relation s’est toujours apparentée à un jeu de «je t’aime moi non plus». Mais à ce moment-là, mon client a définitivement mis fin à la relation, ce qui a pu déplaire à la plaignante.» De quoi, selon lui, réclamer l’acquittement de son client. Et d’estimer qu’«au pire des cas et eu égard aux nombreux points d’interrogation qui persistent, il devrait être acquitté au bénéfice du doute.»

Un acquittement par ailleurs aussi demandé par Me Ponsart pour le troisième chef d’accusation, à savoir prévention de contraintes sexuelles à l’encontre d’Aline:Rappelons que le prévenu nie avoir contraint celle-ci à lui faire une fellation, l’acte étant selon lui consentant. Soulignant qu’Aline aurait eu à l’époque une réputation de fille facile et aurait, selon les dires de son client, entretenu une relation régulière avec lui, Me Ponsart a alors indiqué qu’il était envisageable que cette dernière ait simplement pu mal vivre le fait que son Malik décide de stopper les contacts avec elle.

Cette dernière ayant par ailleurs avoué avoir flirté avec le prévenu avant l’acte reproché, l’avocat de la défense a mis en doute le fait qu’elle ait réellement émis une résistance et agi sous la contrainte. De son côté, le procureur a alors à nouveau souligné de nombreuses incohérences dans les propos du prévenu. «Aline a, elle, expliqué la situation de manière précise et cohérente, tout en parlant de ce qu’elle a ressenti». Il a par ailleurs éliminé le motif d’une quelconque vengeance, ceci du fait que cette dernière a refusé de porter plainte et assure avoir quitter la région pour tourner la page.

A ce titre, le procureur Arn juge donc le prévenu coupable et requiert 15 mois de peine privative de liberté pour ce chef d’accusation. A noter encore qu’il requiert un mois supplémentaire pour la prévention d’actes d’ordre sexuel avec mineur à l’encontre de Simone. La défense, elle, demande encore une fois l’acquittement du fait que Simone et Malik étaient à l’époque en couple. Le verdict sera rendu aujourd’hui.
* Noms d’emprunt

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