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Technologie

Une invention stupéfiante

Un professeur prévôtois en sciences criminelles et son doctorant ont mis au point un outil portable qui analyse les drogues en quelques secondes.

La police cantonale bernoise est en train de tester le dispositif NIRLab. LDD/apptitude.ch

Par Marisol Hofmann

Comment savoir, lors d’une perquisition, si la poudre blanche que les forces de l’ordre ont sous les yeux est bel et bien de la cocaïne, et pas de la farine, comme pourrait le prétendre un suspect? Jusqu’à présent, seules des analyses en laboratoire pouvaient le déterminer. Et le temps de réponse pouvait prendre jusqu’à deux semaines...
Cette période semble toutefois dépassée car un nouvel outil révolutionnaire, permettant une analyse instantanée des substances par spectrométrie, arrive sur le marché: le «NIRLab». Ce dispositif composé d’un scanner portable ressemblant à une petite lampe de poche et d’une application mobile a été développé par le Prévôtois Pierre Esseiva, professeur en sciences criminelles à l’Université de Lausanne, ville dans laquelle il réside actuellement, et de l’un de ses doctorants, Florentin Coppey. «Son utilisation est simple. Il suffit d’éclairer la substance illicite en appuyant sur le bouton du capteur. De puissants serveurs, reliés au dispositif, analysent alors instantanément le spectre obtenu et traduisent l’information qui est envoyée sur le smartphone de l’utilisateur», explique Pierre Esseiva. Cette opération, qui ne prend que quelques secondes, permet de déterminer la composition chimique et la pureté de n’importe quelle drogue.
«Avec cette invention, nous amenons le laboratoire sur le terrain et permettons un important gain de temps», se félicite le professeur, fier de cette prouesse technologique, qui a remporté deux prix majeurs au Best of Swiss Apps 2020 et, plus récemment, le Mobile Business Award 2021.
Cet outil est le fruit de plusieurs années de recherche dans le cadre de la thèse de doctorat de Florentin Coppey, supervisée par Pierre Esseiva. «L’idée était d’utiliser les récentes avancées dans la spectrométrie proche infrarouge (NIR) ou l’informatique, avec l’utilisation d’algorithmes, pour réduire considérablement le temps et le matériel nécessaire à l’analyse de substances», précise-t-il.
Une banque de données a été constituée afin que les algorithmes puissent reconnaître les substances mesurées sur le terrain. Celle-ci sera enrichie en permanence grâce à la centralisation sur un cloud des mesures effectuées par les utilisateurs. «Le monde des stupéfiants bouge constamment. Une mise à jour en continu est donc nécessaire pour être au plus près de ce qu’il y a sur le terrain», souligne l’enfant de Moutier.
L’outil NIRLab a été testé pendant plus d’un an par plusieurs effectifs de policiers et l’est encore actuellement au sein de la police cantonale bernoise. Ayant fait ses preuves, il est désormais commercialisé dans plus d’une dizaine de cantons. «Il n’est pas habituel qu’un projet développé en laboratoire soit effectivement utilisé sur le terrain, ce qui est d’autant plus réjouissant», s’enthousiasme Pierre Esseiva.
La première version de l’application NIRlab a été spécifiquement développée pour l’analyse de substances illicites par les forces de l’ordre. «Mais son utilisation peut être étendue à d’autres types de substances et ainsi s’adresser à d’autres domaines», assure le professeur d’université. Une start-up a été mise sur pied afin de développer le produit susceptible d’intéresser des entreprises actives dans le recyclage du plastique, la chimie ou encore le désamiantage.

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