Vous êtes ici

Abo

Courtelary

Vaste élan de solidarité

Les élèves du syndicat scolaire se sont mobilisés hier pour éviter à trois de leurs camarades d’école congolais de devoir déménager. Ils ont pu célébrer une première victoire.

Les élèves du syndicat Covicou ont manifesté hier leur soutien à la famille Nkolo – ici avec la grand-maman et leur avocat (à gauche) –, dont trois enfants sont scolarisés au sein du syndicat depuis des années. Photo:Michael Bassin

par Michael Bassin

Les organisateurs de la manifestation de soutien l’ont appris deux heures avant le rassemblement: les autorités compétentes annulent le déménagement de la famille Nkolo entre leur domicile de Courtelary et le centre d’hébergement collectif à Tramelan. Un déplacement qui était fixé à ce vendredi.Il s’agit-là d’une première victoire pour eux, puisque c’est justement ce qu’ils réclamaient.

Pure coïncidence au niveau du timing? L’avocat de la famille juge, lui, que la forte mobilisation citoyenne qui se tramait depuis quelques jours est à l’origine de cette décision. Peu importe finalement...

Camarades à la rescousse
L’histoire?C’est celle de Fany et Ilunga Nkolo, et de leurs quatre enfants Rosa (12), David (10 ans), Samuel (8 ans) et Bénie Martinelle (5 mois), une famille congolaise (RDC) établie en Suisse depuis plus de quatre ans. Leur demande d’asile a été refusée et leur renvoi prononcé. Mais suite à une demande de reconsidération déposée à fin 2017, l’exécution de ce renvoi a été suspendue provisoirement. Reste que, tout dernièrement, la famille a reçu un avis de déménagement pour le centre de requérants d’asile à Tramelan. De quoi faire réagir Noëlle Bovy Rytz, une mère de famille de Cormoret dont l’une de ses filles fréquente la même classe que Rosa Nkolo.

Pour Noëlle Bovy Rytz comme pour d’autres, il est totalement incongru de déplacer en cours de semestre trois enfants scolarisés et très bien intégrés. «Un changement d’école, qu’ils fréquentent depuis près de quatre ans, serait désastreux», déplore-t-elle. Quant aux raisons du déménagement à Tramelan, elle les juge «obscures et inhumaines». D’où l’idée d’organiser une action «Coup de cœur» pour tenter, dans un premier temps, d’annuler ce déménagement afin que les enfants puissent terminer leur année scolaire dans leurs classes.

Depuis jeudi dernier, Noëlle Bovy Rytz a remué ciel et terre pour sensibiliser et mobiliser un maximum de personnes. Elle a très bien été entendue, notamment au sein du syndicat scolaire Covicou (Cormoret, Villeret, Courtelary). Si bien qu’avec l’aval de la direction et des enseignants, les élèves ont été invités à manifester leur soutien à leurs trois camarades congolais.

Dossier en cours
Ainsi, hier, les trois écoles ont affiché des banderoles de soutien à la famille Nkolo. Des lettres ont aussi été distribuées dans les classes pour que les parents puissent manifester leur solidarité s’ils le souhaitaient. Enfin, les enfants des trois classes directement concernées et dont les parents avaient donné leur approbation ont pris part, hier, à l’action «Coup de cœur» devant le domicile des Nkolo. Pour l’occasion, ils avaient emporté pancartes et chants. A cette soixantaine d’enfants s’est jointe une trentaine de citoyens lambda ayant entendu parler de l’action, ainsi que des représentants d’églises notamment.

«Cela nous fait chaud au cœur de voir autant de monde s’impliquer et se déplacer pour soutenir une action de solidarité humaine», a souligné l’enseignante Rose-Marie Gyger au cours de la manifestation. «Avec leur présence, leurs messages et leurs chants, les élèves ont souhaité apporter à leurs camarades et à leur famille un peu de chaleur humaine dans ce monde qui en manque cruellement.» Et de relever que la mobilisation d’hier avait «peut-être contribué à ce que le déménagement soit annulé». Et puis, l’enseignante a demandé que l’on accorde enfin à la famille Nkolo, après quatre ans d’attente, «le droit d’avoir une vie digne et tranquille dans notre beau coin de pays».

Ilunga Nkolo, le papa, était très touché par ces marques de soutien exprimées par des élèves et des citoyens. «Nous sommes très émus et reconnaissants par cet élan de solidarité. Nous remercions toutes ces personnes ainsi que le canton qui annule le déménagement. Cette bonne nouvelle nous donne du courage. Nous aimerions que nos enfants puissent bénéficier de l’éducation en Suisse.» Si personne n’a souhaité entrer avec précision dans les raisons de la présence des Nkolo en Suisse, il a été relevé à plusieurs reprises hier que des chrétiens sont persécutés au Congo.

Plus de 260 lettres
Egalement présent hier, Alexandre Mwanza, l’avocat de la famille Nkolo, a souligné que le combat n’est pas terminé. «La situation de la famille n’est pas encore régularisée. La demande de reconsidération quant à l’exécution du renvoi est en cours. Restons debout!», a-t-il lancé, espérant que les Nkolo puissent bénéficier du permis F. «La loi autorise à ce que le renvoi ne soit pas exécuté, ceci pour des motifs humanitaires». Et d’insister sur le fait que la famille a des enfants en bas âge et que la maman est malade.

Ces prochains jours, Alexandre Mwanza s’adressera au Secrétariat d’Etat aux migrations pour l’informer du soutien manifesté hier par la communauté «et pour qu’il tienne compte de l’intérêt des enfants». Quant à Noëlle Bovy Rytz, elle assure que d’autres actions citoyennes pourraient être mises en place si nécessaire. Dans l’immédiat, elle transmettra au Secrétariat d’Etat aux migrations les quelque 260 lettres de soutien récoltées.

 

Déplacement à Tramelan «annulé»
Sur place hier à Courtelary, personne ne savait vraiment si le déménagement à Tramelan avait été suspendu ou annulé. Contacté par nos soins, l’Office de la population et des migrations (OPM) a confirmé que le déplacement de la famille Nkolo est «annulé». Evoquant le principe de protection des données pour justifier son laconisme, l’OPM assume en ces termes les raisons qui ont motivé cette décision: «L’état des choses est en train de changer depuis quelques jours.» Dans tous les cas, nous assure-t-on, la manifestation «Coup de Cœur» d’hier matin n’a pesé en rien dans cette décision. L’avis d’expulsion de la famille hors de Suisse n’est, en revanche, affecté en rien par cette résolution. La demande de reconsidération de l’exécution du renvoi est en cours d’examen.

AVU

Articles correspondant: Région »