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Sports extrêmes

Le projet olympique de Carlos Gerber mis à mal

Le snowboardeur de Sonceboz, qui rêvait et rêve toujours de se rendre aux JO de Pékin sous la bannière cap-verdienne, se retrouve en chaise roulante après un accident en motocross freestyle.

Afin que Carlos Gerber puisse se rétablir de son accident survenu récemment en moto, les médecins parlent d’une durée de six mois.

par Sélim Biedermann


«J’avais déjà eu pas mal d’opérations, mais c’est la première fois qu’il y en a trois en une seule fois», lâche Carlos Gerber, coincé sur une chaise roulante chez sa copine à Yverdon. «Je suis bien amoché. Mais tout s’est bien passé, j’ai pu sortir du CHUV (réd:Centre hospitalier universitaire vaudois) vendredi dernier, du coup c’est cool.» Malgré son violent accident survenu récemment vers Payerne en motocross freestyle (voir notre édition de mardi 17août), le spécialiste des disciplines extrêmes originaire de Sonceboz parvient à relativiser. «Ça fait partie du sport, de temps en temps ça arrive...»

Oui, mais là, c’est quand même la totale! La cheville gauche cassée avec les ligaments déchirés, le pied droit cassé également, et le ligament antérieur d’un genou déchiré plus le ménisque en compote. «C’est compliqué, et pas pratique», s’agace Carlos Gerber, néanmoins dans sa bonne humeur habituelle. De quoi avoir tout le temps de regarder par la fenêtre. Parce qu’hormis ses heures de voltige, étant charpentier à son compte, ce n’est pas en télétravail qu’il peut poursuivre son activité professionnelle...

Une fédération créée autour de lui
Pour se rétablir, les médecins parlent d’une durée de six mois. Et cela tombe droit mal. Puisque Carlos Gerber avait un nouveau et immense projet pour l’hiver à venir. Ce snowboarder accompli aux 10saisons de Coupe du monde, avec une dizaine de podiums obtenus, avait dans le viseur les Jeux olympiques de Pékin, rien que ça! Après être passé à un cheveu de ceux PyeongChang en2018, n’ayant juste pas été retenu dans le cadre suisse en dépit de ses bonnes performances, puis après avoir mis de côté pendant un moment la compétition pour se tourner vers des sauts en pleine nature –il a notamment tourné dans le film «Isle of Snow», de la société de production helvético-américaine Absinthe Films–, le Jurassien bernois comptait bien refaire parler de lui dans les portillons de départ.

Mais dans une tenue complètement inédite. Depuis qu’il a reçu son passeport cap-verdien –soit la nationalité de son papa, domicilié à Bienne–, une aussi improbable que très bonne idée lui est venue: participer aux Jeux en tant que concurrent africain. «Ce serait une première historique pour le Cap-Vert, quelque chose de vraiment magique! Aucun athlète de ce pays n’a jamais pris part aux JO d’hiver», lance Carlos Gerber. Tout semblait se mettre en place. «Une fédération dédiée aux sports d’hiver a été créée autour de moi», explique l’unique membre actif de celle-ci.

Et puis patatras, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots. Tout s’est écroulé. Ou presque. «Je garde quand même cet objectif dans un coin de ma tête, mais je ne me mets aucune pression. On verra bien comment mon état évolue. Je prends jour après jour», glisse l’as du big air et du slopestyle. «Il me faut faire preuve d’un peu de patience. Ce qui n’est vraiment pas mon fort... Mais je m’y fait.»  Le rider de Sonceboz de 30ans –qui vit normalement à Ovronnaz, en Valais– n’a, surtout, pas le choix. Et qui sait, son état d’esprit positif l’aidera peut-être à réaliser ce rêve en allant en Chine en février prochain, même si ses chances paraissent faibles. Car, en amont, il s’agit tout de même de décrocher les points nécessaires au voyage olympique durant la saison de Coupe du monde dans ses deux disciplines de prédilection.

Bref retour en compétition
Carlos Gerber avait pourtant tout mis en œuvre pour que ce projet un peu fou puisse aboutir. «On a monté une espèce de structure privée en Suisse avec des gens du milieu», relève-t-il. «Depuis le mois de janvier de cette année, je me préparais à fond physiquement.» D’ailleurs, celui qui se sent mieux en l’air que sur le sol avait regoûté à la compétition en fin d’hiver à l’occasion de deux manches de Coupe d’Europe, en big air à Davos puis en slopestyle à Leysin, où il s’était hissé jusqu’en finale. «Ça s’était plutôt bien passé globalement», souffle-t-il.

Le hic, c’est que le Jurassien bernois aime trop les sensations fortes, hiver comme été. Avec une planche aux pieds mais aussi avec un guidon dans les mains.

 

Des shows de motocross freestyle en compagnie de la star Mat Rebeaud

Avec le motocross freestyle, Carlos Gerber a encore élargi son terrain de jeu. «C’est une discipline qui me correspond bien, où je me retrouve complètement dans mon élément. Le côté freestyle, l’état d’esprit, ça me parle. C’est un peu une forme d’art.» Qui comporte toutefois un réel danger. «Cela demande énormément de précision dans tous les mouvements. Une petite erreur d’inattention et ça se paie cash», concède cet athlète polyvalent.

Et dire que Carlos Gerber a mis de côté le motocross traditionnel après avoir effectué quelques courses l’an passé dans le championnat romand et populaire Angora –plus jeune, il avait déjà pratiqué ce sport pendant 10ans– par précaution. «C’est con à dire, mais j’avais un peu peur de me blesser...» Plaît-il? «Quarante pilotes partent sur une grille. On ne peut pas maîtriser ce que font les autres. On n’est donc pas à l’abri, c’est vite fait de se retrouver par terre», souligne-t-il.

Une prudence louable. Il n’empêche que le motocross freestyle n’apparaît pas moins risqué... Sauf que Carlos Gerber a reçu une opportunité qu’il ne pouvait pas refuser. «Depuis ma jeunesse, j’ai toujours rêvé de faire ça», confie-t-il. «Mais il faut disposer d’un parc afin de s’entraîner. Et j’ai eu l’occasion de pouvoir débuter chez deux potes, vers Estavayer.» Avant qu’ils ne doivent fermer leur terrain.

Une opportunité en or
Cette cruelle issue a cependant offert au Jurassien bernois une autre opportunité, en or cette fois-ci. Le printemps dernier, les trois compères se sont en effet vu proposer d’être accueillis par une star du freestyle dans son propre parc. Soit le premier champion du monde de la discipline et l’un des premiers pilotes à avoir effectué un backflip en compétition. «Mat Rebeaud nous a pris sous son aile», signale Carlos Gerber avec des étoiles dans les yeux. «Il est une légende de ce sport, c’est complètement dingue!»

Mieux, les trois poulains du Payernois âgé de 39ans ont pu participer à sa tournée estivale de représentations. C’est-à-dire divers shows, loin de toute rivalité. Il ont «simplement» dû s’adapter à une rampe de 23mètres de long au lieu de celle de 18mètres qu’ils connaissaient bien. «Il ne voulait pas qu’on brûle les étapes. Mais on avait envie, et on maîtrisait bien. Au final, nous avons vite été réglés à cette rampe aux normes standards de compétition», raconte Carlos Gerber.

C’est déjà lors du premier show –au milieu de la seconde journée– que tout s’est arrêté pour lui. N’allez cependant pas croire que ça l’a refroidi... «C’est du spectacle, des événements à la cool. Il y a tous les éléments qui me font vibrer», balance le sympathique sportif de Sonceboz, que l’on reverra sans doute au guidon à l’avenir. «J’espère que nous pourrons continuer!»

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