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Votations

Divergences autour des salaires

200000 fr. pour les conseillers municipaux, c’est assez? Pascal Bord et Sandra Schneider croisent le fer

Pascal Bord et Sandra Schneider exposent leurs arguments concernant le salaire des conseillers municipaux. Reto Probst
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Jacqueline Lipp et Lino Schaeren traduction Marcel Gasser

Les Biennois votent dimanche sur l’initiative «200 000 fr. suffisent», lancée par les Jeunes UDC pour plafonner les salaires des conseillers municipaux. Si le texte est accepté, les revenus annuels du maire (220000 fr.) et des autres membres de l’exécutif (200000 fr.) seront inscrits dans le Règlement de la Ville, soit la constitution biennoise. Or, une réduction des salaires similaire a déjà été décidée par le Conseil de ville (notre édition du 22 avril).

Une décision qui prendra effet dès l’année prochaine. Pascal Bord, président de la commission parlementaire spéciale chargée de la révision du Règlement du personnel et du système salarial, juge donc la votation inutile. Présidente des Jeunes UDC, Sandra Schneider estime au contraire qu’elle a tout son sens. Débat.

Sandra Schneider, pourquoi l’initiative reste-elle nécessaire?
Elle visait dès le début à exercer une pression pour que la commission présente la meilleure solution possible à nos yeux. Sur ce plan, nous sommes satisfaits du nouveau règlement du Conseil municipal, dans lequel figure le montant des salaires. L’initiative a cependant l’avantage de donner le dernier mot au peuple, ce qui n’est pas le cas avec le règlement, exposé à la moindre velléité de changement.

Pascal Bord, pourquoi vous opposez-vous à l’initiative?
Fondamentalement, les principes sont faits pour être inscrits dans le Règlement de la Ville. Les détails, comme les salaires des conseillers municipaux, relèvent en revanche d’un Règlement du personnel. Les salaires des conseillers fédéraux ne sont non plus pas inscrits dans la constitution fédérale.

Sandra Schneider, lorsque vous avez lancé votre motion en 2013, vous avez explicitement exigé une modification du Règlement du personnel, et non du Règlement de la Ville. Vous semblez avoir changé d’opinion.
Non, mais en 2013 on ne savait pas très bien à quel niveau les salaires étaient décidés: il n’y avait tout simplement pas de règlement! A l’époque, il était logique que le salaire des conseillers municipaux soit ajouté au Règlement du personnel. Jusqu’alors il constituait juste l’échelon salarial le plus élevé de l’administration. Dans les débats qui ont eu lieu au parlement, certains ont eu peur que le salaire de tous les employés de la Ville soit revu à la baisse, ce qui n’a jamais été mon intention.

Vous avez affirmé plusieurs fois qu’il fallait ancrer ce plafonnement salarial dans le Règlement de la Ville, parce qu’au cours de cette législature le Conseil de ville avait fait fi de la volonté populaire.
S.S.: C’est la stricte vérité. Prenez les votations sur la place du Marché-Neuf, celle de la Gare ou sur différents budgets: le parlement y était favorable, et chaque fois le peuple a rejeté ces objets. Pour moi la situation est claire: quand les dépenses sont élevées, le peuple doit avoir son mot à dire.
P.B.: Oui, mais le parlement biennois a été élu par le peuple. Si les conseillers de ville étaient à tel point à côté de la plaque, ils n’auraient pas été élus. Il y a effectivement un certain nombre d’objets sensibles et émotionnels, sur lesquels la décision du peuple a divergé de celle du Législatif. Ce n’est pas un phénomène typiquement biennois, cela se produit aussi à l’échelle nationale. Il n’en reste pas moins vrai qu’au bout du compte, c’est toujours le peuple qui a raison.

Sandra Schneider, vous êtes  conseillère de ville et vous vous méfiez de vos collègues du parlement.
Les faits sont là: le Conseil de ville ne voulait pas de cette baisse des salaires.
P.B.: J’observe une tendance, une sorte de populisme qui veut que tout doive passer par le peuple. Si on continue comme ça, on n’aura plus besoin du Conseil de ville. Autant tenir une assemblée communale et revenir aux coutumes du passé.
S.S.: C’est faux de dire que seul le Conseil de ville a raison. La population doit être associée davantage aux processus de décision, a fortiori lorsque la situation financière de la Ville n’est vraiment pas bonne.

Avec cette initiative, les Jeunes UDC voulaient mettre la pression. Et la commission a cédé à cette pression. N’a-t-elle pas le sentiment de s’être fait avoir, étant donné que l’initiative n’a pas été retirée ?
P.B.: Non, dès le début la volonté de faire des économies était bien là. Le postulat de Sandra Schneider a été accepté à une forte majorité. Il est vrai que l’initiative nous a mis la pression. Mais c’était salutaire. Il fallait que la gauche prenne conscience que nous devions vraiment procéder à des économies sur les salaires. C’est juste dommage que cette initiative coûte encore 50000 fr. C’est une somme que nous aurions pu utiliser pour subventionner la Colonie des cygnes par exemple. Pour moi, c’est comme le second tour de l’élection au Conseil des Etats que Bruno Moser a imposé l’automne passé et qui a coûté un demi-million. C’est ça que j’ai de la peine à avaler.
S.S.: L’argument des 50000 fr. est ridicule. La votation ne porte pas uniquement sur cette initiative. Les électeurs doivent aussi se prononcer sur le Palace. De plus, il y a cinq objets fédéraux.

Fondamentalement, combien vaut le travail du maire ou d’un conseiller municipal à Bienne ?
P.B.: Si on compare le job avec l’équivalent dans une PME (en tenant compte des responsabilités), le salaire devrait être nettement supérieur à ce qu’il est. Mais en politique, il existe un prix du marché pour ce type de charge, et il oscille autour des 200000 fr.

Mais ce n’est quand même pas un hasard si la commission spéciale s’est arrêtée à ce chiffre. Les initiants vous l’ont dicté.
P.B.: Si nous nous étions bornés à analyser les chiffres du marché, nous serions peut-être arrivés à 210000fr. Mais nous avons souhaité faire un pas dans le sens de l’initiative et proposer  un compromis.

Existe-t-il un risque que l’Exécutif biennois, en raison de cette réduction salariale, ne soit plus composé des meilleurs éléments ?
S.S.: La vraie question est celle-ci: avons-nous actuellement les meilleurs éléments possibles au Conseil municipal? Franchement, il est permis d’en douter. Et quelqu’un qui a envie de s’engager pour la ville ne devrait en aucun cas le faire pour des raisons financières. Il doit parfois prendre des décisions impopulaires, ce qui demande de l’engagement et de l’énergie en faveur de la collectivité.
P.B.: Avec cette baisse salariale, il existe un risque que les personnes les plus compétentes ne s’intéressent plus à cette fonction. C’est la raison pour laquelle il faut assurer l’avenir des conseillers municipaux, notamment en supprimant l’interdiction des doubles mandats. Les conseillers municipaux doivent pouvoir représenter valablement les intérêts de la ville au niveau cantonal.

Sandra Schneider, vous avez reproché à la commission d’avoir négligé d’analyser les conditions d’engagement de manière approfondie. Selon vous, où devrait-on mettre l’accent pour rendre cette fonction plus attractive ?
Je trouve le système de la ville de Thoune très intéressant. Les cinq conseillers municipaux s’y partagent un poste dont le pourcentage s’élève environ à 380%. Chacun d’entre eux, à titre individuel, a convenu d’un poste partiel. Si, à côté de leur fonction politique, ils pouvaient exercer une activité accessoire, ils conserveraient un pied dans l’économie. En cas de non-réélection, ce serait moins difficile pour eux de retrouver un job.

Les conseillers municipaux de Bienne auraient-ils suffisamment de temps à disposition pour exercer une activité accessoire?
A Thoune, il y a aussi cinq conseillers municipaux, et ça fonctionne. Du point de vue des structures et de la population, Thoune est comparable à Bienne. Je suis convaincue que chaque Direction n’a pas besoin d’un chef à 100%. Certes, un département clé comme celui de l’Action sociale et de la sécurité resterait inchangé. Mais on pourrait peut-être abaisser les autres à 90%.
P.B.: Nous avons déjà débattu de ce modèle. Pour moi, le temps partiel n’est compatible qu’avec le double mandat politique. Il faut savoir aussi que la coexistence d’un mandat politique et d’un mandat dans l’économie privée pose le problème du conflit d’intérêts.

Il n’a guère été question des prestations de départ. Ne pensez-vous pas qu’il y aurait là un potentiel d’économie bien supérieur à celui réalisé sur le salaire ?
S.S.: Tout le monde n’a pas le luxe d’avoir un job assuré pendant quatre ans. Il n’est donc pas nécessaire d’octroyer une rente mirobolante. Il faut tenir compte de l’incertitude liée à une éventuelle non-réélection, mais on a toujours amplement le temps de se préparer à se réinsérer dans l’économie.
P. B.: Réintégrer le marché de l’emploi n’est pas chose aisée. Les conseillers municipaux ont quitté les milieux économiques pendant quatre ans, voire plus. De plus, un conseiller municipal n’est pas un employé comme un autre: il est politiquement marqué, ce qui ne simplifie pas les choses. C’est ce qui explique pourquoi il a la possibilité de toucher une partie de son salaire encore pendant deux ans après son départ.

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