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«No billag»

«Au final, ça coûtera plus cher»

En cas de oui, TeleBielingue et Canal 3 ne se relèveraient pas.

Kevin Gander et Sophie Hostettler pensent qu’aucun plan B pourrait sauver Canal 3 ou TeleBielingue. Photo:Frank Nordmann
  • Dossier

Julien Baumann

La campagne en vue de la votation sur l’initiative «No Billag» a pris son envol cette semaine. Mercredi, partisans et opposants ont rappelé leurs arguments. Hier à Berne, les représentants de 43 radios et 13 télévisions régionales privées touchant une partie de la redevance ont lancé un appel à voter non le 4 mars. Ils ont indiqué que ces médias totalisaient ensemble environ deux millions de téléspectateurs ou auditeurs quotidiens. En Suisse romande, si l’initiative passe, «seules quatre radios régionales continueront d’être exploitées au lieu des 12 actuelles et des cinq chaînes TV. Partout ailleurs, ce sera la fin des programmes», a par exemple illustré Philippe Zahno, président des Radios régionales romandes (RRR). Les médias audiovisuels biennois, TeleBielingue et la radio Canal 3, joueront aussi gros lors de ce scrutin.

«Davantage de place  pour les arguments»
La part de la redevance représente entre 50% et 70% de leur budget annuel. La télévision biennoise reçoit ainsi chaque année 2,3 millions de francs de l’Office fédéral de la communication. La radio touche, elle, 1,66 million. Sophie Hostettler, directrice des programmes de TeleBielingue, et Kevin Gander, directeur des programmes de Canal 3, sont catégoriques: un oui à l’initiative signifierait la fin des médias locaux tels qu’on les connaît aujourd’hui.

«L’infrastructure et la marque resteraient, mais nous n’aurions plus l’argent pour les programmes», explique Sophie Hostettler. «C’est sûr que l’antenne francophone disparaîtrait», poursuit Kevin Gander avant d’ajouter: «Je ne sais pas ce que nous pourrions faire avec l’antenne alémanique. Peut-être une radio uniquement musicale car ce serait presque impossible de produire du contenu rédactionnel.»

Malgré la menace que représente cette initiative, les deux responsables préfèrent voir le verre à moitié plein. Selon eux, le coup d’envoi de la campagne aura une influence sur l’opinion. «Je comprends que la première réaction des gens ait été: ‹Cool, on ne va plus payer cette facture de 451 fr.› (ndlr:le Conseil fédéral veut l’abaisser à à 365 fr. dès 2019). Le débat a débuté très tôt sur le plan émotionnel. Maintenant, il y a davantage de place pour les arguments. Et quand on réalise quelles sont les conséquences de l’initiative, on vote non», analyse Sophie Hostettler.

Région trop petite
Kevin Gander revient aussi sur l’importance de ces médias pour la promotion et la diffusion d’artistes. «Des personnes avec qui j’en ai parlé ne savaient pas que l’initiative concernait aussi la musique suisse et les médias locaux. Après leur avoir expliqué, elles ont toutes changé d’avis.»

Le «plan B» avancé par les initiants – qui estiment que l’ouverture au marché libéral et la vente des concessions actuellement octroyées par la Confédération garantiront la même diversité médiatique – ne convainc pas du côté de Canal 3 et de TeleBielingue. Pour les deux responsables, l’alternative proposée par les initiants ne tient pas la route. Les partisans de «No Billag» affirment par exemple que le libre marché et un système d’abonnements ouvriront de nouvelles perspectives et attireront des investisseurs qui feront vivre les médias.

Timing trop serré
Sophie Hostettler ne considère pas cette option réaliste pour la région. «Nous avons un bassin de diffusion très petit et, déjà aujourd’hui, ce n’est pas toujours facile de trouver des financements auprès des entreprises.» Elle ne voit pas comment des investisseurs privés pourraient être intéressés par une télévision qui «n’est pas lucrative». «Si vous comptez 250 fr. d’abonnement pour une chaîne sportive et 200 fr. pour Netflix, vous êtes déjà à 450 fr. et vous n’avez pas l’information. Au final, pour les consommateurs, ce sera plus cher», ajoute Kevin Gander.

Le directeur des programmes de Canal 3 met aussi en avant des délais trop courts pour réagir: «L’initiative entrerait en vigueur le 1er janvier 2019. En cas de oui, cela signifierait que nous devrions de toute façon réduire nos programmes à la fin de l’année. Nous n’avons pas le temps de mettre en place un plan B ou d’attendre une décision du parlement.»

Cantons déjà contactés
Les partisans de «No Billag» ont également évoqué la possibilité d’une aide cantonale d’un total de 50 millions de francs pour garantir l’existence des radios et télévisions régionales. Là encore, les représentants des médias audiovisuels régionaux doutent que ce soit possible, autant d’un point de vue juridique que politique et financier. Kevin Gander peut confirmer les réserves émises à ce sujet. «Nous avons déjà contacté les cantons de Berne et de Soleure pour leur demander si une telle option était possible. Ils nous ont tous les deux clairement répondu non car ce n’est pas dans leur domaine de compétence et qu’ils n’en auraient pas les moyens.»

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